Les acteurs de la montagne doivent agir
Tribune co-écrite avec Tom Wallis, parue dans Les Echos, le 1er juin 2022.
Le Salon Mountain Planet 2022 s’est achevé sur une image ostensiblement positive, autour d’une dynamique continuée de la montagne, et ce, au terme d’une saison exceptionnelle pour les stations françaises — occultant les perspectives pourtant bien sombres du territoire et de l’économie de la montagne.
Le second volet du sixième rapport du Giec livrait en effet en février dernier des projections pour le moins préoccupantes avec, au-delà de la confirmation de la baisse de l’enneigement, des prévisions de forte sécheresse laissant augurer une compétition accrue pour la ressource en eau. Et même si les chiffres de fréquentation étaient au rendez-vous cette année, la pratique du ski est en diminution constante.
Diminution inéluctable de l’enneigement, fragilisation des massifs et des éco-systèmes, perte d’attractivité hivernale, défi de la qualité paysagère, nouvelles dynamiques de pratiques, structure d’hébergement et d’offre majoritairement obsolète… le constat du défaut de durabilité du système touristique des sports d’hiver est unanimement partagé. Pourtant, les évolutions restent minces, limitées à des territoires sous tension, et les discours de réjouissance sur la saison passée témoignent de l’attachement à un modèle monoculture.
Malgré des initiatives de soutien des pouvoirs publics (comme le Plan Avenir montagnes), la résistance à expérimenter des programmes de transition persiste. La confiance parfois aveugle à l’égard de la technique pour maintenir l’offre neige montre la dépendance du système économique des stations françaises à l’or blanc mais aussi les difficultés d’articulation d’une gouvernance ‘éclatée’ pour engager une véritable transformation — un écueil que n’ont pas d’autres pays bénéficiant d’une gestion plus concertée.
Alors, comment sortir de la tyrannie court-termiste ? Comment accélérer ? Aujourd’hui, les stations ne sont pas les seules concernées par la transformation du modèle ‘sport d’hiver’ : de nombreux acteurs sont investis dans son économie. Opérateurs, acteurs de la distribution et des services, marques outdoor, marques d’hébergement et de loisirs, servent aujourd’hui le territoire de la montagne et contribuent à sa vitalité touristique et donc à sa survie… Ne faut-il pas les rappeler à leur « principe de responsabilité » selon l’impératif de Hans Jonas ? Quand on est acteur de la montagne, quand on y est historiquement investi, n’est-on pas aussi dépositaire de son avenir ? Et n’y a-t-on pas à ce titre un devoir d’agir ?
• Premier devoir des acteurs de la montagne : anticiper. Dans un secteur fortement imprégné par l’évolution des modes de vie, il importe plus qu’ailleurs d’anticiper et de contribuer au renouvellement des usages. Mettre au jour de nouvelles pratiques récréatives et de nouveaux actes consommatoires plus en lien avec les besoins de sens, de nature, de bien-être…
• Deuxième devoir des acteurs de la montagne : innover. Pour créer un appel d’air en faveur des stations et soutenir leur chemin de transition, il est urgent d’explorer d’autres modèles, en matière d’infrastructures, de mobilité, sur le plan des services, des modes de gestion et en pariant ouvertement sur la circularité, l’autonomie, la ‘valeur’ du territoire.
• Troisième devoir des acteurs de la montagne : nourrir le rêve. Face au caractère éculé de l’or blanc inscrit dans le modèle d’exploitation intensive de la montagne, il y a un devoir à faire rêver autrement sur la montagne. Intensité paysagère, expérience sensible, vitalité ou déconnection, les visages possibles d’un nouvel imaginaire sont nombreux.
Certes des marques essayent, innovent, investissent le territoire de la montagne. Des acteurs référents ont fait des pas de géant. Et les autres ? A quand de nouvelles idées récréatives capitalisant sur la verticalité de la montagne ? A quand de véritables modèles de coopération au service d’une approche de ‘destination’ ? A quand des lieux d’apprentissage actifs en pleine nature ?
Il est temps pour les acteurs et marques françaises de se mettre au niveau de leur responsabilité. De passer de l’intention à l’action. Et d’honorer leur tribut à la montagne.